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Résumé
Laurent Garnier Un incident qui aurait pu mal se terminer
La frayeur

Depuis toujours, ou plutôt depuis que je traîne mes bottes sous terre, jamais les sentiments de peur ou d'inquiétude ne m'ont quitté.
Au début c'était de savoir si j'allais être à la hauteur pour remonter ces trains d'échelles accrochées les unes au bout des autres. Les descentes aussi étaient archaïques, et on ne comptait plus les coincements de doigts, les baudriers ou plutôt les anneaux de cordes étaient une véritable torture et il ne fallait pas s'éterniser sur le descendeur fabrication maison ! ! !.
Le froid ne nous quittait guère et c'est souvent épuisé et au bord de l'hypothermie que nous nous échappions des entrailles de la terre sans avoir fait le quart de nos explorations actuelles. Souvent les échelons cassaient sans prévenir et c'est sur notre frein accroché sur le côté que nous nous retrouvions. Quitte pour une belle peur...
Je ne parle pas des étroitures, franchies au retour avec des sacs marins qu'ils fallaient déballer. Puis le matériel a évolué, les échelles ont été remisées, les cordes ont diminué de diamètre jusqu'à se stabiliser. Mais les craintes persistent,
se prendrait-on pour des araignées. Jamais une crue ne nous a surpris.
Même une descente vertigineuse sur une corde glaiseuse ne m'a tant marqué. Bien souvent la même question revenait en fond de trou: {Mais qu'est-ce que je suis venu me faire ch… dans ce trou de m…e.
De grottes en grottes, de désob en désob, rien ne vînt entacher notre bonne humeur.


La traversée se déroulait sans accroc, tout était prévu au millimètre, rien ne devait nous arrêter et rien ne nous arrêta jusqu'à la source.
Je suis toujours passé à travers les blocs de glaces qui tombent, les cordes trop courtes avec arrêt sur la bague en bronze marquée 39 pour un P55. Et les secours à la Dent de Crolle!! j'y était!!...
Mais pourquoi ces jours là j'avais décidé de ne pas descendre.
Nous parcourions le collecteur, entrecoupé de grandes salles, le choix des passages est parfois délicat.
Ne parlons pas des sangles merdiques qui traînent et se coincent sur une biroutte tout aussi merdique, j'était là pour décoincer l'importun, paniqué, la tête en bas, dans une belle étroiture de la Combe Albert.
Nous marchions d'un bon pas. L'inquiétude de départ était de savoir si j'allais tenir le rythme et la longueur.
Nous étions cinq de cinq clubs différents et de cinq départements.
C'est beau non ! ! !
Salle de Treize dans le Berger


Il n'a fallut qu'une demie seconde sur les 11h de traversée pour changer ma vision de la spéléo, d'une cascade qui ne fait pas un mètre pour me rappeler à l'ordre !
C'est la première fois.
Me voici la tête sous L'eau en train de faire la tortue, dans l'incapacité de me relever, agitant bras et jambes.
Damien, sur qui je suis tombé, me demande des nouvelles ?
Je le vois presque sortir la fiche du SSF. « Le blessé a-t-il !!...»
Dans un sens ça me faisait rire, mais l'eau s'insinuait dans les moindres interstices de mon visage empêchant toute réponse de ma part.
C'est lorsque j'ai lu l'inquiétude sur son visage que j'ai réalisé la gravité de la situation.
Me relevant tout tremblant, et ne pouvant marcher qu'avec difficulté, je scrute tour à tour le regard inquiet de mes quatre compagnons.


La peur est là. Palpable. Nous sommes à mi-chemin ça n'est pas le moment.
J'ai du mal à reprendre le rythme !!! (J'en frisonne encore quelques années après). La peur m'a frappé de plein fouet.
En passant chacun de mes mouvements en revue, une colère sourde et profonde monte en moi.
Ça n'arrange rien !
Pourtant je n'ai fait aucune erreur
Ça n'arrange rien !
Rien ne laissait suggérer une telle chute.
Mon kit et Damien ont amorti le choc, ma tête n'a pas touché.
Depuis, à chaque faux mouvement, mon épaule gauche me rappelle que ça n'arrive pas qu'aux autres.

C'était la toute, toute première fois en 27 ans...


Laurent

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