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Date
Auteur
Résumé
1/4/2007 François Brassaud La pathologie en spéléologie (humour, bien que !?)
Chers complices,

Suite à une étude récente de la littérature médicale concernant la pathologie propre à la spéléologie, j'ai trouvé une multitude de références. Toutefois, ne dramatisons pas. J'ai sélectionné 3 articles susceptibles de vous intéresser. Lisez attentivement ces descriptions, elles me paraissent propices à prévenir un accident et rentrent dans le cadre de la préparation à l'exercice régional du SSF.

Bien à vous.

François Brassaud


Cas clinique n° 1 " étronus gigantibus "

Thèse de doctorat, faculté de Toulouse 1994, publié dans les annales de la SOFCOT (Société Française de Chirurgie Orthopédique et Traumatologique) 1995 XI 147-225

Ce sont des spéléos du Tarn qui ont fait en 1923 une macabre découverte lors de l'exploration d'un abri-sous-roche à Lannemezac sur Sirouble. Sous une fine couche de glaise, des ossements apparemment humains : une omoplate et un fémur. Ils ont prévenu la gendarmerie. La maréchaussée a exhumé une colonne vertébrale quasi complète. Après photographies in situ et moulage en plâtre, les restes ont été transférés au muséum archéologique le plus proche. Aucun autre indice n'a pu être trouvé sur place. Pas d'outillage, pas de trace d'habitation. En dehors d'un entrefilet dans la presse locale, l'affaire a été classée sans suite. Les visiteurs, pendant plusieurs décennies, ont contemplé cette colonne vertébrale portant la mention " ossements préhistoriques "
En 1992, un jeune chercheur de la faculté de Toulouse, pour une thèse de doctorat, a obtenu l'autorisation de procéder à une expertise, avec des moyens scientifiques plus sophistiqués que ceux de 1923. Une datation au carbone 14 a permis de préciser l'âge approximatif, 11 000 ans avant notre ère, soit le Magdalénien supérieur.
Bien sur les vertèbres sont érodées, mais après une telle durée sous terre, c'est tout à fait naturel. C'est la statique du rachis qui a de prime abord intrigué le chercheur. Il ne s'agit pas d'une simple scoliose. L'axe rachidien est contourné, déformé, pire qu'un point d'interrogation. Il a pratiquement l'apparence d'un colimaçon. Et vrillé sur lui-même. S'agit-il d'une déformation dégénérative, une cypho-scoliose majeure ? Une spondylarthrite ? Non, rien ne permet de reconnaître une pathologie connue, même poussée à un extrême stade d'avancement. Alors ce pourrait être une malposition lors de l'installation des reliques. Mais, non. Les photos prises sur le site montrent clairement à l'identique cette étrange sinuosité, telle qu'elle s'est présentée au moment de la mort. De plus les pièces osseuses, quoique déformées, ne pourraient en aucune manière s'agencer autrement. Alors quid ?
L'analyse d'un fragment au microscope en contraste de phase puis par spectrophotométrie finit par révéler un dépôt régulièrement distribué. Une sorte de vernis en surface des ossements. La biochimie montre qu'il s'agit de suc digestif imprégnant la trame osseuse.
 
Une électrophorèse en phase gazeuse précise exactement ses caractéristiques : il s'agit du liquide gastrique d'un vers de la famille des strongyloïdes stercoralis Un parasite vivant à l'état endémique dans les pays chauds. L'un de ses représentants, très abâtardi, existe dans les grottes de Papouasie. Il y est connu sous le nom de mange-cailloux.
Cette étude, encore incomplète, est alors présentée à l'école du Pr Bernard Heuvelmans, le célèbre cryptozoologue Belge. Sa réponse est formelle. Le squelette en question est en réalité la déjection laissée par un méga litho phagus cavernicolis, un géant de 4 à 6 mètres de longueur. Cet ancêtre, actuellement disparu, est à l'origine de l'embranchement phylogénique des vers de la famille des mange-cailloux.
L'explication finale est alors formulée par le jeune chercheur qui obtiendra les félicitations du jury pour son travail :
Homo magdalensis est venu se reposer dans cet abri. Attaqué par le monstre au cours de son sommeil, il n'avait aucune chance. Son agonie a du être atroce. Lentement, très lentement ingéré, il a vu sa mort venir. Les os les plus tendres (tête et membres) ont été presque entièrement digérés. Seul le rachis, plus compact, a gardé figure humaine, avant d'être, plusieurs jours plus tard, rejeté sous la forme de l'étron géant découvert en 1923.
Ce cas est tout à fait passionnant pour l'étude de la physiologie de ce parasite du passé. C'est en effet, encore à l'heure actuelle, le seul témoignage authentifié de ses mœurs alimentaires. La bête, pour diversifier ses menus, éprouvait le besoin d'ingérer des ossements riches en calcium et surtout en phosphore.
Bien entendu, de nos jours, le risque est limité à la pratique de la spéléologie en Nouvelle Guinée, car dans les cavités européennes, le mange-cailloux ne survit que dans les légendes colportées par certains.

Méfiance quand même si vous souhaitez vous rendre à Nakanaï.



Cas clinique n°2 " le macchabée de 19 h 46 "

Etude publiée par les Dr Spon Dyle & Art Rose dans " Rhumatologia Archeologica " le 20/11/2006

Mise à jour en janvier 2005 d'un corps momifié, enfoui à 1 m 30 de profondeur, dans le porche de la grotte de Glainsborrough (Pays de Galles) au cours d'une campagne de fouilles archéologiques. Le corps est vêtu d'un tissu de lin. Une sorte de musette contient un racloir en os et un hameçon en bois de cerf. Des graines de meconopsis cambrica y sont identifiées et correspondent probablement à un usage médicinal (propriétés antalgiques)
Le squelette est complet, en connexion anatomique. Les parties molles, téguments et viscères, sont remarquablement bien conservées en raison de la forte teneur en carbone de cette région riche en tourbières. L'étude de la dépouille ne montre pas de signes de pathologie. Il s'agit d'un homme jeune, en fin de croissance. Il existe toutefois une plaie transfixiante particulièrement nette, horizontale, à hauteur des reins. L'orifice d'entrée est en regard du flanc gauche. L'orifice de sortie est symétrique, un peu plus bas situé, dans le flanc droit, la trajectoire passant à 2 cm au-dessus des ailes iliaques.

L'analyse radiologique montre un squelette dénué de stigmates de maladie à l'exception d'une perforation " à l'emporte pièce " du
corps vertébral de la 3ème vertèbre lombaire, particulièrement bien visible sur le cliché de profil. Le diagnostic de plaie pénétrante ayant provoqué la mort instantanée par explosion des reins, de l'aorte et par sidération médullaire est évident.
  Il n'y a toutefois pas de traces de lutte. Et surtout, aucune arme de jet de cette époque n'aurait pu provoquer une blessure de ce genre, que l'on ne rencontre que dans les plaies par balle provoquées par des armes de guerre de forte puissance. La datation au carbone 14 permet en effet de dater cet événement à environ 6350 ans (plus ou moins 15 ans) Le mystère est complet.
L'analyse des téguments en microscopie électronique puis par immunofluorescence, met en évidence des traces d'hémoglobine diffusément réparties sur la dépouille. Mais l'analyse biochimique ne permet pas de conclure à une hémoglobine humaine. Le mystère s'épaissit.
Le séquençage ADN est alors comparé aux bases de données zoologiques et l'on retrouve la signature formelle d'une hémoglobine primitive, de type chauve-souris. Diable, on s'y noie.
Enfin, les prélèvements effectués au niveau de la plaie abdominale révèlent des traces d'éléments radioactifs d'origine extra-terrestre, pour des isotopes du strontium et de l'iridium. Le mystère est à son comble.
Le dossier est alors étudié conjointement par les physiciens et les astronomes, et peu après l'énigme est heureusement résolue.
Très régulièrement tous les 172 ans, le globe terrestre recoupe l'orbite d'une ancienne comète (NGC 22/703 b) dont les fragments gravitent éternellement autour du soleil. Leur trajectoire est maintenant bien répertoriée et la prochaine rencontre est prévue en 2009. A l'aube de l'humanité, 37 révolutions de cette comète plus tôt, en 4355 avant notre ère, très exactement le 27 juin à 19 h 46, une telle rencontre a eu lieu. Un fragment de quelques centimètres de diamètre a pénétré notre atmosphère à une vitesse hypersonique, avant de finir sa course à Glainsborrough. Au passage la chaleur extrême, dégagée par la vaporisation du météore, a mis à mal une cohorte de chiroptères dont c'est l'heure habituelle de sortie pour la chasse vespérale.
Le " macchabée de 19 h 46 " a été tué sur le coup. Sans souffrir, ni même réaliser ce qui lui arrivait. Le sang pulvérisé des chauves-souris est lentement retombé en nappe sur le cadavre encore chaud, ainsi que le nuage de poussière soulevé par cet événement. L'accumulation des sédiments naturels a fait le reste. Quelque 6000 ans plus tard, presque par hasard, le scénario funèbre est enfin élucidé.
Bien entendu ce type d'accident rare est peu à redouter en spéléologie.
Prudence quand même en 2009, le 27 juin, au crépuscule, à la sortie des cavités.



Cas clinique n° 3 " la femme au panier "

Publié sous le titre " rhumatologic diseases " in the Lancet 2004 april 127-133

Un cas apparemment tout à fait banal. Mise à jour d'une tombe néolithique, en 2003, dans la grande salle des Blacks Hills non loin de Stone House dans les Midlands. Datation : vers moins 2500
C'est la 4ème sépulture explorée par cette équipe archéologique de Birmingham.
Le caveau mesure 180 x 55 cm pour 60 cm de profondeur. Un squelette humain y a été déposé en décubitus dorsal, la nuque reposant sur une pierre quadrangulaire. Son âge osseux est de 22 à 24 ans. Sa taille est estimée à 158 - 160 cm. Le sexe est féminin, comme en attestent la morphologie du bassin et l'absence d'os pénien identifiable.

Le plus impressionnant, au 1er abord, est la séparation de la tête en 2 parties. Le massif facial est dans le prolongement de l'axe du corps alors que la boîte crânienne fait un angle de 29 degrés en direction du pied gauche. Noter en effet le rebord orbitaire droit bien visible dans l'axe médian de la face, la fracture occipitale en arc de cercle au sommet du cliché et enfin la fracture horizontale que l'on distingue sur la région temporale droite. N'y voyons pas malice, il s'agit d'un rite funéraire d'embaumement, banal à cette époque.
Ce qui est plus intéressant chez cette femme encore jeune, c'est l'aspect particulièrement dégénératif des articulations.
Les membres inférieurs : avec une déviation axiale externe bilatérale du tibia sur le fémur (genu valgum de 23 degrés) et une déformation majeure des plateaux tibiaux externes signant une arthrose des genoux déjà très avancée.
La colonne vertébrale : le rachis présente une angulation de 49 degrés centrée sur la 2ème vertèbre lombaire. Associée à des tassements vertébraux de L2 L3 et une rotation des corps
vertèbraux de L4 et L5. L'ensemble de ces anomalies prouve une scoliose dégénérative très évoluée de la région lombaire. Les déformations au niveau du thorax ne sont pas significatives. Seul élément non visible sur ce cliché : une corbeille en osier tressé, décomposée mais bien identifiable, remplie de pierres, qui était posée sur les cuisses de la gisante, et retirée pour permettre l'étude.
On peut dès lors reconstituer la vie de cette pauvresse : Ah ! Misère ! La vie ne devait pas être facile tous les jours en cette fin d'âge glaciaire. Pendant que l'homme, chasseur-cueilleur, s'adonnait aux douces joies paisibles de la cynégétique, sa drôlesse avait la lourde tâche de l'aménagement de la maisonnée familiale. La désobstruction de la cavité.
  Munie de ses seuls doigts gourds, trop précocement déformés par les rhumatismes, et de son lourd panier d'osier. Inlassablement, au long des jours et des semaines, cette brave bête de somme s'usait et déformait son corps à ce labeur de Titan. Ah oui qu'ils étaient bénis, les jours où elle n'était pas battue par le mâle, trouvant trop lents les progrès effectués. Et l'on imagine les maternités répétitives, plusieurs fois par an, au cours desquelles sa mission sacrée perdurait. Etait-elle bien nourrie pour autant ? Son compagnon, repu sur place, lui ramenait-il quelques rogatons à consommer furtivement ? Sans pour autant mollir à l'ouvrage. Le ventre creux, mais lourd de l'enfantement prochain, les bras chargés de ce pesant panier, démesuré pour son corps gracile, la diablesse vaquait ainsi à ses occupations. Qu'elle amère victoire dérisoire !

Et bienheureuse d'avoir eu cette sépulture décente grandement méritée.




Ce dernier cas clinique, plus que les 2 autres, qui sont anecdotiques, est révélateur des dangers liés aux activités de désobstruction. Le risque d'usure prématurée ostéo-articulaire existe bel et bien pour les spéléos. Du simple lumbago d'effort à celui, plus sournois, d'arthrose anticipant l'âge habituel de la retraite. C'est contre ces dangers bien réels que je souhaitais vous mettre en garde.

François Doc, Dijon, le 1/4/2007

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